Cette semaine se tient la 19e édition de la Semaine du cerveau, organisée par la Société des neurosciences. L'occasion de faire découvrir au grand public le cerveau et les progrès de la recherche dans ce domaine. L'occasion aussi pour la Fondation AMIPI de présenter ses apprentissages, qui permettent le développement du cerveau par le travail manuel industriel.
La parole à Marie-Laure Blandin, directrice en charge des apprentissages basés sur les neurosciences.
Pourquoi la Fondation AMIPI s'intéresse-t-elle au cerveau?
Depuis 50 ans, la Fondation AMIPI - Bernard Vendre permet à des personnes en situation de handicap cognitif de progresser par le travail manuel et de trouver leur place en entreprise.
Nos 7 usines emploient plus de 600 collaborateurs, dans une activité de production de faisceaux électriques pour le secteur automobile. Le montage d'un faisceau est un excellent support d'apprentissage car il peut se décomposer et permet une progression graduelle de chaque apprenti, selon les difficultés qu'il rencontre. Nos opérateurs développent ainsi leurs capacités cognitives tout en acquérant des compétences techniques, indispensables pour une insertion professionnelle en milieu ordinaire.
En quoi et comment le travail manuel développe-t-il le cerveau ?
Il est scientifiquement prouvé que, lors d'un apprentissage, les stimuli répétés renforcent ou créent de nouvelles synapses dans le cerveau. Le travail manuel industriel est idéal pour cela : observation, mémoire visuelle, organisation de l'espace, coordination occulo-manuelle interviennent dans les réalisations de montage et sollicitent à chaque fois différentes zones du cerveau.
Comment la Fondation a-t-elle développé ce savoir-faire neuroscientifique?
Tout est parti d'une hypothèse dans les années 60 ... En voyant leur fils atteint de trisomie progresser, M et Mme Vendre ont émis l'hypothèse d'une plasticité du cerveau. Ils se sont alors rendu compte de toutes les possibilités d'évolution pour les personnes en situation de handicap cognitif. Encouragés par le professeur Robert Debré, des travaux de recherche ont été entrepris et ont mis en évidence l'existence d'une plasticité neuronale importante. Les recherches prouvent en effet « la capacité du cerveau à réorganiser son réseau de neurones, et à révéler de nouvelles connexions qui existaient à l'état latent ».
Dès lors, des états qui étaient considérés comme définitifs n'apparaissent plus comme irréversibles mais comme le résultat d'une dysfonction relative. De nouveaux espoirs sont permis et des apprentissages spécifiques sont mis en place en ce sens, notamment par le biais du travail manuel.
Le secteur de l'industrie est en pleine mutation. Comment la Fondation fait-elle évoluer ses apprentissages?
Notre équipe est en permanence à l'écoute des entreprises ordinaires et de leurs besoins. Le support industriel évolue, de nouvelles configurations sont donc à prendre en compte et à intégrer progressivement à nos apprentissages.
Nous avons la chance de construire une nouvelle usine, qui ouvrira en septembre 2017 à Nantes: c'est pour nous un projet pilote sur le plan scientifique et industriel. Nous y expérimenterons de nouveaux processus d'apprentissages qui développeront davantage la polyvalence des opérateurs. Par ailleurs, nous travaillons à la conception de nouveaux postes d'apprentissage spécifiques pour les nouveaux apprentis, à installer dans chaque usine. Ces tables de montage regrouperont toutes les opérations de la chaine de production. Elles permettront ainsi de former/entrainer les arrivants dans de meilleures conditions.
Enfin, un partenariat scientifique avec le GRENE (Groupe de Recherche en Neuroscience et Education) a aussi été mis en place pour accroître l'efficacité de nos mesures et de nos méthodes.
Tous ces projets contribuent à changer le regard sur l'usine, qui peut être, avec des apprentissages adaptés, un lieu de développement des personnes et un chemin vers l'insertion.